vendredi 27 janvier 2012

Disparition

Je ne reçois plus mon journal depuis quelque temps. Peut être que cela fait bientôt deux semaines, peut être trois. ça m'agace sans que je n'y fasse rien. 

Habituellement, je le trouvais chaque jour dans ma boite aux lettres et il ne s'y trouve plus. 

Etant d'un naturel assez paranoïaque et un peu persécuté dans ma tête, j'ai imaginé qu'un voisin malveillant me l'avait volé en le tirant de la boite. La répétition du phénomène confinant au systématisme j'ai ensuite accusé le facteur. Mon esprit n'a pour l'instant innocenté personne, tout le monde reste suspect. 

L'abonnement a pu être suspendu. Mais pour quelle raison? j'ai toujours payé étant donné qu'il s'agit d'un prélèvement automatique. Je n'ai pas vérifié mes comptes pour m'assurer que le prélèvement avait toujours lieu, c'est sans doute la première chose que chacun aurait fait, mais je n'aime pas m'occuper de mes comptes. C'est plein de chiffre et en même temps il n'y en a pas assez pour que je prenne du plaisir à compter. 

Bref, je remets ça à plus tard.

Finalement ce n'est pas si grave puisque ce journal je ne le lisais pas. Parfois même, il ne sortait même pas du blister et finissait, après un séjour d'environ deux semaines dans un coin quelconque de mon appartement, au fond de la poubelle. 

Il me manque pour les rares fois où je prenais le temps de lire les titres. Et puis ça fait son petit effet devant le péquin qui entre chez soi, de trouver un journal prestigieux posé sur la table basse... surtout quand c'est une pile entière du même journal prestigieux. 

ça fait intellectuel. 

Ce qui me manque, c'est pouvoir me donner un genre en l'emportant avec moi de temps en temps histoire de l'agiter au nez d'un cretin de passage. Le-dit crétin ouvrant des yeux ronds devant de si petits caractères alignés à propos de sujets politiques. Ou philosophiques... Je sais pas, je le lis pas.

En plus, ça fait désuet de lire un journal, c'est presque une esthétique, une forme de dandysme. 

Quiconque vivrait cette expérience de disparition de journal s'inquiéterait d'une part de son compte en banque et d'autre part des informations perdues sur le reste du monde. Moi je regrette de ne plus pouvoir sauver les apparences.

Vous voyez, même la culture est pervertie au service du paraître. Plus rien ne compte que la forme. Je suis l'aboutissement de l'homme moderne, j'ouvre le journal pour paraître intelligent et tout le monde s'en fiche, tout le monde y croit.

jeudi 19 janvier 2012

écrire

A lire, on retrouve le goût d'écrire. Surtout les blogs talentueux qui laissent croire qu'on atteindra ce niveau. Un jour peut être. Il en faut pourtant, du temps, à consacrer à cette activité. C'est presque un sacerdoce, devoir peser ses mots et ses phrases, trouver l'expression, la justesse et le ton. C'est souvent sans s'en rendre compte que le rythme naît des phrases alignées. Coucher des mots sur le papier est devenu une activité laborieuse, il faut réfléchir à sa phrase avant de l'écrire. L'informatique permet une forme d'écriture automatique qui se recompose au ciseau et à la colle virtuelle. Le processeur au service de la prose, le matheux au service du litteraire. Une sorte de fusion des matières où l'une devient dépendante de l'autre. Je pense que je serai incapable d'écrire sur papier, le stylo va moins vite que ma pensée et ma pensée est trop éphémère et impatiente pour attendre que l'encre coule. Le clavier est un meilleur ami et économise les feuilles que je noircirais sans que rien n'en jaillisse. C'est aussi le symbole d'une époque, la vitesse et l'urgence. Toujours aller plus vite... 
Il n'y a que le rythme de la lecture, 
qui n'a pas changé.

Hésitation

Quand on me demande ce que je fais dans la vie, j'ai systématiquement un moment d'hésitation. C'est une question souvent revenue et le reflet d'une sociabilité de base de celui ou celle qui veut en savoir plus sur toi. Dis moi ce que tu fais, je te dirai qui tu es...

C'est bien là qu'est le problème, si je te dis ce que je fais, tu vas t'imaginer que je suis comme ci ou comme ça, le problème étant que tu vas te tromper. J'aurai beau t'expliquer, tu vas camper sur tes idées reçues et susciter mon énervement contenu. 

D'ailleurs, plutôt que de chercher à t'expliquer sachant que tu ne vas pas comprendre, j'en reste à l'énoncé de la profession et je te laisse débiter tes stéréotypes. Plutôt que de te sauver de ta bêtise crasse, je t'y laisse car finalement, mieux vaut économiser son énergie plutôt que de chercher à te changer contre ton gré. 

Car en effet, je crois que tout le monde - moi compris - se plaît à ordonner son petit univers selon les représentations qu'il s'en fait plutôt que de confronter ses représentations à la réalité. Tout est beaucoup plus simple avec la pensée pré-mâchée.

Bref, quand le moment d'hésitation devient trop long et laisserait croire que je suis stupide pour n'avoir pas compris une question de base, je lâche le morceau, incapable que je suis d'un quelconque mensonge. Je suis par ailleurs assez peu imaginatif et quelques millisecondes ne suffisent pas à m'inventer une profession neutre qui ne génèrera aucune question de la part de mon interlocuteur. 

Deux réactions sont systématiquement observées, totalement inconciliables. Les uns me portent soudainement un regard presque admiratif ; les autres ne marquent que du dégoût. Vous n'imaginez pas à quel point j'ai envie de leur claquer le beignet aux uns comme aux autres. Enfin, après avoir dit merci aux admirateurs tout de même. Restons civilisés.

La réaction se construit en deux temps quand l'annonce est faite devant un groupe, au cours d'un diner par exemple. D'abord ce sont les admirateurs qui tombent en pâmoison, montrent leur intérêts, posent des questions sans vouloir entendre la réponse. Puis ils finissent par se lasser tant que je suis insignifiant au regard de ce qu'ils pouvaient bien s'imaginer. 

C'est alors que les méprisants entrent en lice, bien échaudés par les marques d'intérêts manifestées précédemment. C'est avec stoïcisme qu'il faut alors réagir car on ne peut plus compter sur les admirateurs d'autrefois qui ne savent plus quoi penser, pour vous sortir de cette mauvaise passe. Les lâches! 

Agir sur ce qui dépend de nous, laisser couler le reste... je laisse couler, merci le stoïcisme.

Mon quotidien c'est l'étude, l'écoute, le silence, l'attente, le stress, l'urgence. Il n'y a aucune raison d'en être fier mais je n'en aurai pas honte. Ma profession ne se résume pas, elle est multiple, il y en a autant de définitions et de pratiques que d'individus qui l'exercent. Il faut le vivre pour le croire et je renonce à l'expliquer.

Sans doute n'est ce là qu'une prétérition...