Je ne reçois plus mon journal depuis quelque temps. Peut être que cela fait bientôt deux semaines, peut être trois. ça m'agace sans que je n'y fasse rien.
Habituellement, je le trouvais chaque jour dans ma boite aux lettres et il ne s'y trouve plus.
Etant d'un naturel assez paranoïaque et un peu persécuté dans ma tête, j'ai imaginé qu'un voisin malveillant me l'avait volé en le tirant de la boite. La répétition du phénomène confinant au systématisme j'ai ensuite accusé le facteur. Mon esprit n'a pour l'instant innocenté personne, tout le monde reste suspect.
L'abonnement a pu être suspendu. Mais pour quelle raison? j'ai toujours payé étant donné qu'il s'agit d'un prélèvement automatique. Je n'ai pas vérifié mes comptes pour m'assurer que le prélèvement avait toujours lieu, c'est sans doute la première chose que chacun aurait fait, mais je n'aime pas m'occuper de mes comptes. C'est plein de chiffre et en même temps il n'y en a pas assez pour que je prenne du plaisir à compter.
Bref, je remets ça à plus tard.
Finalement ce n'est pas si grave puisque ce journal je ne le lisais pas. Parfois même, il ne sortait même pas du blister et finissait, après un séjour d'environ deux semaines dans un coin quelconque de mon appartement, au fond de la poubelle.
Il me manque pour les rares fois où je prenais le temps de lire les titres. Et puis ça fait son petit effet devant le péquin qui entre chez soi, de trouver un journal prestigieux posé sur la table basse... surtout quand c'est une pile entière du même journal prestigieux.
ça fait intellectuel.
Ce qui me manque, c'est pouvoir me donner un genre en l'emportant avec moi de temps en temps histoire de l'agiter au nez d'un cretin de passage. Le-dit crétin ouvrant des yeux ronds devant de si petits caractères alignés à propos de sujets politiques. Ou philosophiques... Je sais pas, je le lis pas.
En plus, ça fait désuet de lire un journal, c'est presque une esthétique, une forme de dandysme.
Quiconque vivrait cette expérience de disparition de journal s'inquiéterait d'une part de son compte en banque et d'autre part des informations perdues sur le reste du monde. Moi je regrette de ne plus pouvoir sauver les apparences.
Vous voyez, même la culture est pervertie au service du paraître. Plus rien ne compte que la forme. Je suis l'aboutissement de l'homme moderne, j'ouvre le journal pour paraître intelligent et tout le monde s'en fiche, tout le monde y croit.